Youpi de la neige à Noël ! Parlez-en aux grenouilles… Une étude vient de montrer que le sel utilisé pour déneiger la voirie peut les faire changer de sexe. Difficile de le comparer aux funestes molécules de l’industrie, mais le tout simple chlorure de sodium serait aussi un perturbateur endocrinien. D’après une expérience menée par des chercheurs de Yale, le sel réduirait de 10% la proportion de femelles dans une population donnée de têtards. Un vrai truc de macho, avec de possibles conséquences pour la survie des grenouilles, déjà bien mal en point.
Transgenre
Chez la plupart des vertébrés, personne ne choisit d’être mâle ou femelle. Le sexe est déterminé bien avant la naissance, 50-50. Mais les animaux à sang froid, comme les poissons, les amphibiens ou les reptiles, soulèvent une petite exception à la règle. Hermaphrodisme, changement de sexe, ils sont plutôt laïques sur la question. Chez eux, la détermination du sexe dépend aussi des conditions environnementales. Alors que les mécanismes moléculaires de cette versatilité sexuelle sont encore à l’étude, une chose est sûre : en bout de course, les hormones, oestrogènes ou testostérone, sont parmi les médiateurs du genre et guident l’organisme vers son destin. Biologiquement (et peut-être génétiquement) décoincés, les amphibiens sont des êtres particulièrement sensibles, un rien peut les faire basculer de mâle à femelle et vice-versa. Est-ce qu’un peu de sel suffit?
Passe-moi le sel
Le sel mettrait le bazar au niveau des récepteurs cellulaires, sorte de « serrure biologique » à oestrogènes. Il peut les saturer ou les bloquer et ainsi faire obstacle aux hormones en mission de différenciation vers la cellule. Pour l’heure, les scientifiques n’ont fait que constater les dégâts chez nos amies les grenouilles. En conditions expérimentales, les chercheurs ont observé des têtards dans des bacs avec différentes concentrations de chlorure de sodium. Arrivées à métamorphose, les grenouilles « élevées » au sel montrent un certain déséquilibre : il y a plus de mâles. Les chercheurs supposent un changement de sexe et s’inquiètent des effets à terme d’un tel phénomène. Il va sans dire que la survie du groupe dépend des femelles (désolée messieurs).
La cuisine sans sel?
Un million de tonnes de sel serait en moyenne déversé chaque année sur les routes françaises pour faire fondre la glace ou la neige. Le tout fait une bonne lessive et termine sa course dans les milieux aquatiques. Sécurité oblige, retour à la pelle à neige? On imagine déjà le tableau et la DIR qui embauche à tour de bras. Blague à part, il existe bien quelque chose. Selvert, une start-up créée à Grenoble, commercialise du fondant routier à base d’acétate de calcium, fait à partir de… petit lait. Testé sous la tour Eiffel et dans quelques autres villes l’an dernier, ce nouveau produit a encore du mal à convaincre. Et votre maire, il fait quoi pour le Noël des grenouilles ?
[E.Le]
Source: Interactive effects of road salt and leaf litter on wood frog sex ratios and sexual size dimorphism. Canadian Journal of Fisheries and Aquatic Sciences, nov.2016
Illustration: Addition salée pour les grenouilles, collage Micrologie, 2016 (la bonne fée, vous l’aurez reconnue est Delphine Seyring dans « Peau d’âne » de Jacques Demy, 1970)
Soyez le premier à commenter