Blob et confidences

Rencontre avec l’analyste du blob, Audrey Dussutour, éthologue au CNRS

En ces temps utilitaristes, hyperconcurrentiels, à l’efficacité implacable, un peu de poésie fait carrément du bien ! Et je dois vous avouer que j’ai été servie ! Pas plus tard qu’hier, j’ai rencontré Audrey Dussutour, spécialiste de la cognition animale au CNRS à Toulouse et auteure d’un livre sur le blob, dont vous avez à coup sûr entendu parler récemment (si ce n’est pas le cas, filez tout de suite chez votre libraire !).

De la science, brut de décoffrage, sans retombées trébuchantes, sans brevet, sans crédit d’impôt. « Mais, dites-moi Audrey, à quoi sert le blob ? on pourrait développer des crèmes anti-rides ? des téléphones portables ? ça peut rapporter gros ? sauver la planète ? ». Allez, on respire un coup, s’il vous plait, la recherche est bien plus qu’une usine à solutions techniques !

Le blob, c’est cette étrange créature qui ne rentre pas dans les cases. Sous ses airs de rien, il démonte les idées reçues et élargit le réel. Ni plante, ni animal, ni champignon, encore moins extraterrestre ou sorti d’une fable ésotérique, il mène sa vie, rampe, mange, grandit, apprend et a son petit caractère. « Ici au laboratoire, nous élevons depuis des années trois individus de l’espèce Physarum polycephalum. Et les trois ont des comportements différents, l’un est très sociable mais un peu pataud, l’autre est un aventurier ». Audrey Dussutour parle du blob comme je vous parlerais de mon chien, un petit animal à qui on enseigne des tours et qui nous en apprend un max. A l’écouter raconter ses histoires de blob avec autant d’humour, de tendresse et de vivacité, on est souvent dérouté quand on pense que cet être gluant qui n’a de cesse que de s’échapper de sa boîte de pétrie n’est autre qu’une cellule.

L’éloge de la simplicité

Pas de cerveau, pas de système nerveux, appareillage minimal, une cellule géante qui s’étale et voyage avec un réseau de veines en véhicule … burbs, qu’est-ce que c’est que ce truc ?

L’Académie l’a longtemps négligé. Pourtant le blob ne date pas d’hier, au moins 500 millions d’années ! Mais on l’avait oublié dans un tiroir poussiéreux au rayon champignon. « Quand on a pu commencer à l’observer de plus près, on s’est rendu compte qu’il faisait de la phagocytose, il engouffre ses aliments. Ça ne peut donc pas être un champignon. Le blob est resté une énigme jusque dans les années 1980. Avec la génétique, ça a été beaucoup plus facile, les scientifiques ont refait la classification du vivant et il a été rangé dans les amibozoaires, c’est un myxomycète », rapporte la chercheuse. Enfin sur la bonne étagère, on peut commencer à s’amuser. Et Audrey Dussutour a vraiment l’air de bien rigoler avec son blob : course d’obstacles, tests d’apprentissage, cafétéria à choix multiples, les expériences semblent plus farfelues les unes que les autres. Mais ne vous y trompez pas, tout ça est réalisé avec la plus grande rigueur scientifique et les résultats sont là ! Les chercheurs ont montré que cet être sans forme et sans cervelle était capable d’apprendre et de mémoriser (par habituation) ou encore de sortir d’un labyrinthe. De quoi éclairer des questions aussi fondamentales que celle du développement et de la diversification des formes d’apprentissage au cours de l’évolution. Ne soyez donc pas étonnés si, dans quelques années, la définition du mot « intelligence » change dans le Larousse…

Jeux de l’été

Toutes les prouesses de cet être trop simple pour être honnête sont dans le livre d’Audrey Dussutour. Et pendant les vacances, vous pouvez toujours partir à la recherche du blob, entre deux girolles ou en rando. Il paraît qu’on peut en trouver un peu partout en forêt, de toutes les formes et de toutes les couleurs (haha, y’en a des roses !). Restez attentifs et zen : il grandit de 1 cm à l’heure.


Source :

Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le blob sans jamais oser le demander, Audrey Dussutour, éditions des Équateurs.

voir aussi l’excellent article de Nathaniel Herzberg dans le Monde et plein de choses (photos, videos) sur la page facebook d’Audrey Dussutour


Illustration :

L’analyste du blob, bricolage micrologie 2017, inspirée par « La Maison du Docteur Edwards », Hitchcock, 1945


Si ce billet vous a plu, partagez-le !

Microbillets du vendredi

Pour recevoir les dernières nouvelles dans votre boîte, indiquez votre adresse et clic !
* champ obligatoire

à lire sur micrologie

Soyez le premier à commenter

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *