Des arbres capables de reconnaître le sexe de leur voisin(e)
En se tordant un peu les méninges, l’humanité arrive à une certaine forme d’empathie avec les animaux. Ils sont assez proches de nous, ce n’est pas trop difficile. Quand il s’agit d’insectes, ça demande une bonne gymnastique. Mais dès qu’on parle de plantes, s’ouvre un gigantesque fossé, abîme d’incompréhension. Quoi ?? L’intelligence végétale ? Ceux qui utilisent l’expression « être un légume » ne se sont, semble-t-il, jamais posé la question.
Par chance, il y a des gens qui creusent autour des racines… comme cette équipe chinoise qui vient de publier une étude dans Scientific Reports.
T’es pas mon genre !
En menant une expérience avec le peuplier, les biologistes ont observé que les arbres étaient capables de reconnaître le sexe de leur voisin(e).
Le peuplier est en effet une espèce dioïque, avec des individus arborant des fleurs femelles et d’autres des fleurs mâles. Ce qui, pour rappel, est relativement rare et ne concerne que 5 à 6 % des espèces végétales, la majorité des angiospermes sont hermaphrodites avec des fleurs qui portent à la fois un organe femelle et un organe mâle.
Voilà donc nos scientifiques chinois qui plantent dans une serre, en conditions contrôlées, une forêt de peupliers, garçons et filles, chaque arbre disposant du même espace et de la même quantité d’eau et de nutriments.
Et bien, voyez-vous ça, tout le monde ne va pas pousser de la même façon. Ça dépend du sexe du voisin !
Quand un arbre femelle grandit près d’une autre femelle, il (enfin elle) accroît la biomasse de ses racines mais leur architecture change : le diamètre est plus important que lorsqu’elle est à côté d’un mâle, les racines sont plus courtes avec moins d’embranchements. Quand un arbre mâle se retrouve proche d’un gars, c’est complètement l’inverse. Il réduit la masse racinaire mais augmente les ramifications.
De la longueur et de l’architecture des racines dépend l’efficacité de l’absorbation des nutriments dans le sol. Ces résultats suggèrent donc qu’à coté d’une autre femelle, madame peuplier est à la diète. Par contre, elle capte le maximum de nutriments quand elle côtoie le sexe opposé. Les mâles, pour leur part, jouent la compétition l’un à côté de l’autre.
Nul doute que cet effet de voisinage peut avoir des conséquences sur la dynamique du groupe et la structure des populations.
Message souterrain
Comme vous preniez votre chocolat chaud en écoutant les histoires de Jean-Marie Pelt, je ne vous apprendrais pas grand-chose sur la communication chez les plantes. Signaux électriques, pensées ondulatoires, avertissements chimiques et messages hormonaux… différents mécanismes ont été identifiés selon les espèces. Les botanistes ont démontré depuis belle lurette que les végétaux se comportaient différemment en fonction de leur entourage. Néanmoins, cette étude est une des premières à montrer qu’un arbre peut reconnaître le sexe de son(sa) voisin(e).
Et woui, le monde est encore vaste et mystérieux. Bonne journée !
Source :
Root-mediated sex recognition in a dioecious tree, Scientific Reports 7, mars 2017
Illustration :
Bon voisinage, bricolage Micrologie 2017, inspiré de Mandragore, Manuscrit Tacuinum Sanitatis, Bibliothèque nationale de Vienne, 1390.
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