Si des archéologues s’amusaient à dater au carbone 14 les arbres qui poussent au bord du périphérique, ils leur donneraient plus de mille ans ! Vieillissement prématuré ? Non, il y a juste un truc qui cloche avec l’horloge au radiocarbone. La combustion du pétrole perturbe la pendule (les gens sérieux appellent ça l’effet de Suess). Les gaz d’échappement nous pourrissent la santé et, en plus, ils enquiquinent les scientifiques. C’en est trop !
Horloge carbonée
Comme vous avez suivi l’histoire du suaire de Turin, vous connaissez, bien sûr, le principe de datation au carbone 14. Au cours de leur vie, les êtres vivants absorbent le carbone de leur environnement, via la respiration, la photosynthèse ou l’alimentation. En conditions naturelles, ce carbone contient trois isotopes, deux sont stables le 12C et le 13C. Le troisième, le 14C, est radioactif, instable. Après la mort de l’organisme, ce radiocarbone va commencer à se désintégrer. Connaissant sa vitesse de disparition et le rapport 14C/C total, les scientifiques peuvent déduire l’âge d’un échantillon de matière organique : tissu, os ou bois des objets archéologiques.
Ciao bello
La méthode était bien commode. Dommage… les archéologues du futur ne pourront plus s’en servir. L’utilisation délirante des énergies fossiles a chamboulé l’équilibre isotopique du carbone sur Terre. C’est tout bête : le pétrole n’est autre qu’une accumulation de matières organiques écrabouillées sous des tonnes de sédiments et transformées en huile d’hydrocarbures pendant des millions d’années. Sous la pression du temps, le carbone 14 s’est fait la malle. Résultat, le CO2 que dégage la combustion des énergies fossiles ne contient presque pas de radiocarbone. Les plantes et les animaux respirant une atmosphère complètement saturée par la pollution automobile non plus !
Si les émissions de CO2 issues de sources fossiles continuent à croître, comme le prévoit le scénario « business-as-usual » du GIEC, les scientifiques estiment que d’ici à 2050 toutes les mesures d’âge sur du matériel de l’époque industrielle seront complètement faussées. En gros, on leur donnera plus de 3 000 ans. Les archéologues et géoscientifiques cherchent des parades et testent des méthodes pour corriger ce biais.
Le train et le vélo, ça pourrait marcher…
[E.Le]
Source : Using the Suess effect on the stable carbon isotope to distinguish the future from the past in radiocarbon, Environmental research Letters, dec. 2016
Illustration : Datation au carbone 14, collage Micrologie, 2016, inspiré par le petit hippopotame bleu, Musée du Louvre, 1650-1550 av. J.-C.
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