Ouh la la, c’est le printemps ! Tout le monde s’habille pour aller draguer. Chez les oiseaux, c’est souvent spectaculaire. Les mâles se pavanent et enfilent leur plumage nuptial, plutôt flashy.
Prenons le cas du gobemouche à collier. Cet oiseau la joue en frontale et attire l’attention des femelles avec une tache blanche sur la tête. Bien sûr, vous connaissez tous ce petit piaf du nord-est de la France. Mais si, mais si, il vient d’acquérir ses lettres de noblesse en contrariant un projet d’enfouissement de déchets radioactifs dans la Meuse (Le Monde).
Ça ne vous dit rien ? Attendez un peu, le gobemouche à collier est THE militant écolo, porte-parole sur tous les sujets ! Avec son chapeau de bon à marier, il s’engage aujourd’hui pour démontrer les effets du réchauffement climatique sur la faune sauvage.
Effrontés
Dans une récente étude, une équipe de l’Université d’Uppsala s’est intéressée aux caractères sexuels secondaires de monsieur gobemouche. Son arme de séduction ultime est une tache blanche en plein milieu du front et il rivalise à coup de « c’est moi qui ai la plus grosse ».
Sauf que… ce vieux truc ne marche plus !
Un véritable renversement de situation s’est produit et, d’après les chercheurs, il serait lié au changement climatique. En suivant une population de gobemouches à collier pendant 34 ans, les scientifiques ont observé que les mâles à petite tache avaient fini par mieux réussir dans la vie. Ces gobemouches plus « modestes » forment aujourd’hui une majorité écrasante, ce qui n’était pas le cas quelques d’années auparavant. Sur à peine 15 générations et une augmentation de température de 1,5°C, les gobemouches ont changé de style, ils sont moins m’as-tu-vu.
Anti-macho
Les ornithologues sont franchement déroutés. La relation entre des printemps plus doux et le succès des mâles discrets est limpide, mais personne ne se l’explique vraiment et de nombreuses hypothèses restent à tester.
Par exemple, chez les animaux, la déco coûte cher. Si, d’un côté, les apparats super voyants permettent d’attirer les filles, d’un autre, ils sont facilement repérées par les prédateurs et sont motifs de grosses bastons entre mâles compétiteurs. En plus, le temps passé à faire les marioles et à défendre le territoire est du temps en moins pour s’occuper des petits. Ce calcul coûts-bénéfices est subtil et le rapport peut basculer si les conditions environnementales changent. D’après l’étude, les gobemouches à large tache ont aujourd’hui moins de chances de survie que ceux à petite tâche. Ceci suggère que le réchauffement climatique aurait augmenté, d’une manière ou d’une autre, le prix à payer pour arborer cette fioriture sur la tête. De quoi renverser la donne, par un simple processus de sélection.
Ah, si au moins le changement climatique pouvait avoir le même effet sur les grosses bagnoles, les chemises ouvertes et les chaînes en or…
[E.Le]
Source : Climate change upends selection on ornamentation in a wild bird, Nature Ecology & Evolution (2017).
DOI: 10.1038/s41559-016-0039
Illustration : Gobemouche frimeur, collage Micrologie 2017, inspirée par l’Aston Martin de James Bond 007 et au style délibérément ringard d’un couché de soleil
(les gobemouches, photos de Johan Träff et Didier Buysse)
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