Transfert horizontal de gènes et avantage évolutif chez les champignons hallucinogènes
Alors là, vraiment, tout est bon pour vous parler de sciences de l’évolution. Dernier subterfuge pour attirer le chaland : une bonne dose de champignons hallucinogènes !
Voilà donc des biologistes de l’université de l’Ohio intimement convaincus de l’intérêt des psilos (Psilocybe sp.), ces mignons champignons psychotropes qui poussent sur les bouses de vache. Nous avons tous bien compris à quoi sert une drogue hallucinogène, mais, au bout du compte, les chercheurs se demandent quel avantage le champignon gagne-t-il à la produire ?
Question à 100 balles
La question vous semble certainement saugrenue mais elle ne part pas de rien. En effet, les scientifiques se sont cassé la tête pour identifier le groupe de gènes responsables de la psilocybine, la fameuse substance hallucinogène. Et, surprise, ils ont ensuite retrouvé ces mêmes gènes chez d’autres champignons, non apparentés au psilocybe, suggérant un transfert horizontal. Ici, sans l’entremise de la reproduction sexuée, des fragments d’ADN du gars d’à coté ont tout simplement été incorporés (pour en savoir plus, voir aussi le cas des orobanches). Aucun doute pour les chercheurs, si ces gènes récupérés par accident se transmettent ensuite de génération en génération et persistent dans la population, c’est qu’ils sont fonctionnels ! Ils confèrent, d’une manière ou d’une autre, un avantage évolutif à l’individu qui les porte.
Par ailleurs, la psilocybine est pour le champignon un métabolite secondaire. Loin d’être indispensable, il ne joue aucun rôle dans les fonctions de base comme la croissance, la nutrition ou le développement. Chez les plantes, ces substances de seconde zone ont en général une fonction « relationnelle », comme par exemple repousser les intrus ou attirer les alliés.
Et là, tout s’éclaire ! Les psilocybes fabriquent de la drogue à l’intention des prédateurs, en l’occurrence les insectes friands de champignons. Les bestioles rigolent bien et en oublient de manger. Bien vu !
Bientôt dans les bacs
Bon, je vous l’accorde, les effets du psychotrope sur les insectes restent encore à démontrer. N’empêche, les auteurs de l’étude se félicitent déjà d’avoir décrypté le secret génétique de la psilocybine, substance interdite et, de surcroît, extrêmement coûteuse à synthétiser. Avec la séquence ADN et grâce à la biologie de synthèse, en produire va être du gâteau ! Pour la médecine et les recherches pharmaceutiques bien entendu.
Source :
NB cette référence est un pre-print ! (c’est-à-dire que l’article n’a pas encore été publié en revue scientifique et évalué par les pairs)
Horizontal gene cluster transfer increased hallucinogenic mushroom diversity, bioRxiv preprint, août 2017.
merci à Alain Fraval, de la revue Insectes, pour avoir dénicher cette histoire
Illustration :
The insect Experience, bricolage micrologie, 2017, inspiré par la chenille psychanalyste dans Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll, 1869 et The Jimi Hendrix Experience legendary “Purple Box” 1966-1970 (avec la chenille Cerura vinula).
micrographieLewis Carroll Alice au pays des merveilles CHAPITRE V. CONSEILS D’UNE CHENILLE. « À vous ! » dit la Chenille d’un ton de mépris. « Qui êtes-vous ? » |
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