Quand le sexisme s’étend jusqu’aux rats de laboratoire !
Hier, j’ai reçu un drôle de communiqué de presse… « Une étude sur les pigeons s’attaque au sexisme dans la science ». Voilà un titre qui dépote !
Mais ne vous laissez pas berner… L’étude en question est relativement chiante (oups, pardon) et rapporte un biais sexuel dans l’expression des gènes impliqués dans le fonctionnement de l’hypophyse. Alors ? Pourquoi est-ce que je vous parle de ça ?
Rat d’labo
En fait, cet habile communiqué de presse a mis le doigt sur un aspect de la recherche méconnu de la plupart d’entre nous : lors des recherches expérimentales menées avec des animaux, les scientifiques travaillent majoritairement avec des mâles !
Nous savions déjà qu’il existe un sérieux problème de parité dans le monde scientifique. Sur les cents dernières années, seulement 3 % des lauréats du prix Nobel en science sont des lauréates ; dans l’Union Européenne seul un chercheur sur trois est une chercheuse ; les femmes sont sous-représentées dans les publications, les citations, les évaluations scientifiques, etc., etc., sans parler des carrières à plafond de verre… Je ne vous apprends rien.
Mais là, c’est le pompon ! Le sexisme scientifique s’étend jusqu’aux souris et rats de laboratoire ! Dans la recherche, on ne bricole qu’avec des individus mâles (ou presque).
Effets secondaires
L’affaire est à ce point sérieuse qu’en 2014 l’Institut national de la santé américain (NIH) a demandé à ses chercheurs et chercheuses de systématiquement réaliser leurs tests sur les deux sexes.
Vous ricanez peut-être car c’est politiquement correct, mais cette forme de machisme a des implications. Dans le domaine de la santé, d’après le New York Times, « cette tradition de laboratoire [d’utiliser des mâles] a eu d’énormes conséquences pour les femmes. Alors qu’ils testent un nouveau médicament ou un traitement, les chercheurs en savent beaucoup plus sur ses effets sur la gent masculine. » Rien d’étonnant alors que des effets secondaires et des erreurs de dosages n’aient été découvertes chez les femmes qu’après la mise sur le marché du produit…
Le luxe des filles
La position « paritaire » du NIH a reçu une volée de bois vert. Utiliser des souris femelles embête pas mal de monde : ça complique les manip’, il faut doubler l’échantillon, prendre en compte les fluctuations hormonales, bref, les nanas fatiguent et coûtent beaucoup d’argent ! Un peu récurrent comme discours non ?
En mettant l’accent sur des différences génétiques et physiologiques entre mâles et femelles chez le pigeon et démontrant qu’il est important de s’intéresser aux deux sexes afin d’appréhender correctement un phénomène biologique, l’étude du jour n’était finalement pas si chiante que ça…
Source :
Pigeon Study Takes on Sexism in Science, Big Differences in Genes Involved in Reproductive Control, UCDavis, Californie, 18 avril 2017
Widespread patterns of sexually dimorphic gene expression in an avian hypothalamic–pituitary–gonadal (HPG) axis, Scientific reports, avril 2017
Labs Are Told to Start Including a Neglected Variable: Females, NYT, 2014
Testing Males and Females in Every Medical Experiment Is a Bad Idea, Scientific American, 2014
Illustration :
Mortelle parité, bricolage Micrologie, 2017, inspiré par Bride of Frankenstein de J. Whale, 1935.
Si ce billet vous a plu, partagez-le !
Arggg, même chez les scientifiques et leurs individus testés, les approximations faciles sont légions ? Il y a hélas tellement de boulot à faire chez les humains, scientifiques ou non, côté sexisme… Merci pour ton éclairage.
A propos du titre… Dans un commentaire reçu depuis Science Press, on me dit que mon titre est faux. Une petite précision donc : le titre, dans sa forme, est un clin d’oeil à « mortelle randonnée » et la mystérieuse femme fatale. Le machisme repose parfois sur deux types de fondement, soit l’idée d’une hiérarchie entre les sexes, soit une image fantasmée et sacralisée de la femme.
(par ailleurs, mais c’est un tout autre débat, « mortelle parité »… ben ça dépend de quel point de vue on se place, celui des cobayes femelles ou le nôtre… ).