A propos des espèces qu’on croyait disparues
Les ami(e)s, aujourd’hui je suis tombée sur un truc trop bien ! Un chercheur de l’Université Johns Hopkins a décidé de nous redonner espoir. Avec son projet « Lost and Found », il innove dans la com’ pour la conservation des espèces.
Le bon docteur part du principe que les pensées négatives génèrent l’immobilisme. Ras-le-bol, de toute façon tout est pourri. Vous connaissez le discours, on l’entend beaucoup, en France, nous avons une tendance congénitale à râler…
Depuis quelques années, les « Heads of Strategy » et autres « Communication Officers » des plus grandes ONGs de protection de la nature cogitent donc sur une nouvelle stratégie. Le message doit être po-si-tif ! D’après eux, c’est l’espoir qui sauvera la planète. Enfin… c’est l’espoir qui va convaincre les gens de sauver la planète. Fondé sur l’émotion, il s’agit ici du même principe que celui utilisé dans la publicité quand une simulation d’orgasme vous a convaincu d’acheter cette marque de chocolat esclavagiste, l’humour de souscrire à une arnaque en téléphonie mobile et un couple amoureux d’avoir une C3 complètement naze.
Alors, allons-y gaiement pour la biodiversité, on arrête de parler des extinctions d’espèces, on vous raconte des histoires d’espèces retrouvées !
Miracle !
Comme le projet « Lost and Found » est bien décidé à nous prendre pour des demeurés (à moins qu’il ne s’adresse aux enfants, ce qui serait vraiment grave), ça commence par : « il était une fois ». Un autre grand truc de la com’ : le storytelling.
Premier sur la liste des espèces « pas disparues », le Woolly flying squirrel, Eupetaurus cinereus. Je n’ai pas trouvé son nom en français mais imaginons un écureuil volant laineux de 50 cm. Cette bestiole a été décrite en 1888 à partir de peaux et de morceaux de cuir dénichés dans un bazar pakistanais. Puis, il n’y a plus aucun témoignage de son existence depuis 1924. La communauté a donc décrété qu’il était éteint comme un dodo et pleure sa disparition. Soudain, retournement de situation, en 1994, un spécimen vivant est capturé. Miracle !
Pour la petite histoire, l’écureuil a été trouvé par deux types du coin à 3200 mètres d’altitude, au fin fond d’une grotte perchée dans une paroi verticale à 800 mètres au dessus de la vallée du Sai. Fallait quand même un sacré coup de bol pour tomber dessus…
On appelle ces espèces qu’on croyait disparues des « taxons lazare », du nom du type ressuscité par Jésus. Tout de suite, ça donne le ton… Le projet « Lost and Found » a démarré son opération pour vous redonner la foi avec 13 espèces. Enorme !
Trouble fête
Comme je suis qu’une sale rabat-joie, je ne vais pas vous laisser vous vautrer dans l’espoir comme ça. Je monte aujourd’hui le projet « Never Found and Lost » pour avoir moi aussi des sous de la Society for Conservation Biology (ou d’une église évangéliste de la résurrection éventuellement ?).
Saviez-vous qu’un tiers des extinctions était passé complètement inaperçu ? Le truc vraiment con : des espèces ont disparu avant même d’être décrites par la science.
Des chercheurs français se sont amusés à faire un petit calcul en combinant les taux d’extinction actuels avec les probabilités de découverte de nouvelles espèces. D’après leur modèle, rien que chez les vertébrés, la perte de biodiversité est sous-estimée de plus de 30%. Logique, le grand catalogue de la vie recèlerait plus de 5 millions d’espèces, hors bactéries. Seul 1,5 million est aujourd’hui connu, le reste, ben… on sait pas. Vu l’ambiance, pétrole, pesticides, déforestation et compagnie, on ne saura peut-être jamais… alors, pardon, mais on ne va pas boire une coupette parce qu’on a retrouvé un écureuil qui fait du deltaplane avec des moufles.
Source :
A découvrir donc : le projet « Lost and Found » et, à leur décharge, il faut reconnaître que le design est vraiment sympa
Rediscovery of the woolly flying squirrel (eupetaurus cinereus), Journal of Mammalogy, 1996
Estimating How Many Undescribed Species Have Gone Extinct, Conservation biology, 2014
Illustration :
Dodo ressuscité, collage Micrologie, 2017, inspiré de Dodo de F. W. Frohawk, 1907 et mosaïque de la résurrection de Lazare, basilique Saint-Apollinaire-Le-Neuf, 6ème siècle.
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Bien vu, rageuse !