L’art de la guerre

Quand les plantes poussent les chenilles au cannibalisme

A l’école, on apprend que les chenilles sont végétariennes. Pour s’en convaincre, il suffit de jeter un coup d’œil dans le jardin. Imaginez donc ma surprise en tombant sur cette publication dans Nature Ecology & Evolution qui raconte comment des chenilles s’entredévorent. J’ai du louper un cours de sciences nat… Les plantes sont bien malignes et ont un stratagème qui poussent les chenilles au cannibalisme !

« Quand un inconnu vous offre des fleurs », le parfum à fuir

Cloués au sol, les végétaux ont développé des parades pour ne pas se faire manger. Des stratégies dignes du général chinois Sun Tzu ! « L’art de la guerre, c’est de soumettre l’ennemi sans combat. » La chimie, notamment, est l’une des tactiques préférées des végétaux. Parmi les composés volatiles bien connus, le méthyl jasmonate (MeJA) est produit par de nombreuses plantes en réponse aux attaques. Cette alerte chimique a deux effets absolument géniaux : d’abord elle rebute, voire intoxique, bon nombre de chenilles, ensuite, elle voyage et prévient les plantes voisines d’une agression imminente.

Mais entre dérouter ou empoissonner les insectes et les monter les uns contre les autres, il y a une petite nuance et jusqu’alors il n’avait pas été démontré que le méthyl jasmonate conduit à l’auto-anéantissent des chenilles. Voilà qui est fait.

Cannibales !

Une équipe scientifique s’est lancée dans une expérience et a mis sur le champ de bataille des pieds de tomate et la ravageuse chenille légionnaire de la betterave (ne vous fiez pas à son nom, elle bouffe tout !). En conditions contrôlées, les chercheurs ont aspergé les tomates d’une solution de méthyle jasmonate (MeJA), à trois dosages différents, et observé le comportement des chenilles. Sans parfum ou à faible dose, les tomates ont perdu la bataille, il ne restait plus que la tige. Par contre, avec une forte dose de MeJA, la plante est saine et sauve, les chenilles, pour leur part, se sont bouffées entre elles !

Pour être bien certains que l’effet était lié à l’hormone en question, les scientifiques ont doublé l’expérimentation. Deux lots de chenilles sont placés dans un bac au coté de quelques larves mortes. On donne au premier groupe de la tomate sans MeJA, le second est nourri avec des feuilles aspergées. Ce dernier bataillon se met à manger les cadavres plus rapidement que le premier. D’après les scientifiques tout est question de timing et de quantité de produit émis. Dans une interview donnée à Nature News, le chercheur explique que « les chenilles finiront par s’entredévorer mais si la plante réagit vite, elle a plus de chance de conserver une bonne partie intacte. » Par ailleurs, point important, ces mécanismes de défense ont un coût très élevé pour la plante, en énergie bien sûr. « Il est très possible que les plantes puissent trouver un équilibre et décider si l’attaque est suffisamment grave pour activer les défenses » poursuit le biologiste. Encore une fois, c’est un truc de stratège chinois : « La guerre est semblable au feu, lorsqu’elle se prolonge elle met en péril ceux qui l’ont provoquée. »

Les plantes sont décidément géniales et on souhaite longue vie à ces recherches sur leur combat millénaire contre les insectes. L’agriculture pourrait bien en prendre de la graine…


Source :

Induced defences in plants reduce herbivory by increasing cannibalism, Nature, ecology & evolution, juin 2017

 


 Illustration :

L’art de la guerre, bricolage micrologie, 2017, inspiré de l’armée en Terracota de Xi’an, 210 av. J.C.

micrographie

« L’armée d’argile »

En 1974, un peu par hasard, des paysans chinois découvrent une gigantesque armée à cinq mètres sous terre. Plus de 8 000 soldats et chevaux en terre cuite, grandeur nature, gardent le mausolée du premier Empereur de Chine, Qin Shihuang, depuis  2 000 ans. Chaque visage est unique, l’œuvre est incroyable, impressionnante de grandeur et de complexité et les archéologues n’ont pas fini d’en apprendre (en savoir plus avec Arte).

Cette oeuvre monumentale a également inspiré l’art contemporain. La très talentueuse Prune Nourry s’en est saisie pour son projet Terracotta Daughter. L’artiste a réalisé 116 statues de fillettes, « en posture figée, au regard aveugle et à l’allure funeste » (Beaux Arts magazine, fev. 2017). Pour l’artiste, ce travail rend hommage à « la mémoire des milliers de filles rejetées ou non-nées du fait de la politique de l’enfant unique en Chine ». Il soulève les questions de genre et de sélection du sexe à la naissance (ou avant…). En 2015, Prune Nourry a enfoui ses fillettes d’argile quelque part en Chine. Le site est resté secret… dans les mystères d’une archéologie contemporaine.

Prune Nourry est une artiste de street art qui sublime la poésie et l’engagement, je vous invite vivement à la découvrir si ce n’est pas déjà fait… voir son travail

Prune Nourry
Prune Nourry, Terracota Daughters

 

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