Flot d’antidépresseurs

Les antidépresseurs s’accumulent dans le cerveau des poissons

Purée ! Un français sur quatre aurait déjà pris des antidépresseurs ! Je savais que ça allait mal, mais quand même… Du coup, quand je suis tombée sur une étude américaine qui montre la quantité de psychotropes qu’avalent les poissons, j’ai commencé à m’inquiéter sérieusement pour mes petites truites.

Publiées cette semaine dans Environmental Science & Technology, des analyses ont détecté des doses hallucinantes de Prosac, Zoloft et autres molécules du bonheur dans le cerveau des poissons. Les médicaments partent aux toilettes, distillés par les urines, et terminent immanquablement dans la rivière.
Les recherches ont été menées dans les grands lacs, près des chutes du Niagara. Comme quoi, habiter un des plus beaux endroits du monde ne sauve pas de la déprime…

Des poissons bons pour l’asile

Même si des doses infimes filtrent par les canalisations, les biologistes constatent que les antidépresseurs voyagent et s’accumulent au fil du temps. Ils ont trouvé dans les tissus des poissons des quantités 20 fois supérieures aux doses mesurées dans les rivières. Les niveaux de norsertraline (le fameux Zoloft) sont carrément flippants : cent fois plus élevés que ceux trouvés dans l’eau !

Des travaux précédents ont montré les effets de ces petites pilules sur les poissons et c’est pas joli-joli. Ils deviennent anxieux, antisociaux et développent parfois des comportements meurtriers ou suicidaires. Ils se nourrissent moins et commencent à déconner complètement avec la reproduction. Une étude publiée en 2014 dans Aquatic Toxicology a par exemple montré que des mâles intoxiqués au Prozac en venaient à attaquer les femelles au moment de la ponte. Aucun doute, si les poissons pètent les plombs, ça risque de poser un problème pour la survie des populations…

Les chercheurs s’inquiètent et il y a de quoi ! La consommation d’antidépresseurs des américains a augmenté de 65 % entre 2002 et 2014 sans qu’aucun effort n’ait été fait pour prendre en charge ce phénomène du côté des centrales d’épuration.

Arrêtez de déprimer, c’est pas bon pour la biodiversité !

Ne croyez pas une seconde que cette pollution sournoise ne concerne que les Etats-Unis ! En France, les bilans dressés par le ministère de l’environnement montre que plus de la moitié de nos rivières sont en piteux état, polluées par plus de 4 000 molécules médicamenteuses qui s’accumulent et dont on ne sait pratiquement rien. En 2016, le gouvernement a annoncé le lancement d’un « plan micropolluants ». Parmi les objectifs : réduire les émissions à la source !

Le gouvernement nous prévoirait-il un plan anti-déprime ? Laissez-moi rire !


Source :

Selective Uptake and Bioaccumulation of Antidepressants in Fish from Effluent-Impacted Niagara River, Environ. Sci. Technol., août 2017


Micro+ :

En France, d’après une étude menée par IMS Health en 2014, il n’y aurait aucun lien statistique entre la consommation d’antidépresseurs et le taux de chômage. La crise économique ne serait donc pas responsable du malheur des gens… Les trois régions qui arrivent en tête de la consommation sont l’Auvergne, le Limousin et le Poitou-Charentes, des zones rurales à la population vieillissante.

Les personnes âgées sont les plus touchées, et pour 76 % les antidépresseurs sont prescrits par les médecins généralistes et non des psychiatres. Perso, je trouve ça plutôt craignos… et un peu facile. On donne une petite pilule à nos vieux et on n’a plus à prendre en charge leurs angoisses.

Dans notre pays, l’Insee annonce qu’en 2050, un habitant sur trois sera âgé de 60 ans ou plus, Il serait peut-être temps de se pencher sur la question ou on va tous finir sous prozac !?


 Illustration :

Flot d’antidépresseurs, bricolage micrologie, 2017 inspiré du Désespéré de Gustave Courbet, 1845.

micrographie

 

Le Désespéré, Courbet, 1845
Le désespéré, Gustave Courbet, 1853-1845

Le Désespéré est un autoportrait de Courbet réalisé entre 1843 et 1845. L’artiste a alors 25 ans et n’a pas encore peint son œuvre maîtresse, celle du scandale, l’Origine du monde. Avec le Désespéré, Courbet impose un visage en proie à une vive émotion, comme surgissant de la toile. L’effet qui accroche et perturbe le spectateur est obtenu par un cadrage extrêmement serré, en format paysage, assez révolutionnaire pour l’époque.

Fini les références au monde intérieur et à la psyché à coup de métaphores chères aux romantiques. Le chef de file du mouvement réaliste en peinture s’attache à montrer le monde tel qu’il est. Avec cette toile, Courbet décrit le désespoir dans sa réelle violence. Et l’artiste nous regarde sans nous voir, nous confronte à sa douleur, dans une angoisse assumée, sans arrangement, exhibée sans mensonge et… sans antidépresseur.

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