Hier soir au journal télévisé, la ravissante présentatrice d’Arte déclare, tout sourire et l’air de rien : « ces 40 dernières années plus de la moitié des animaux ont disparu de la planète. » Quoi ????
Largement relayé par les médias, le dernier rapport Planète Vivante du WWF vient de sortir. Tout en couleurs, fort de courbes déclinantes en version multi-langues, une mise en page irréprochable et des photos à couper le souffle, le rapport prévoit la disparition de deux tiers des populations de vertébrés d’ici à 2020 (oups, c’est dans seulement quatre ans). En gros, les experts annoncent purement et simplement la complète désertification de la planète Terre.
Pour prendre la mesure des enjeux, les premières lignes du rapport donnent le ton et comparent le document aux travaux de Copernic ou de Darwin. Ben rien que ça ! Cet avant-propos dithyrambique est signé de Johan Rockström, le dernier scientifique tendance, Steve Jobs du développement durable. Et l’auteur de terminer son texte par « la conclusion est sans appel : l’équilibre de la planète qui a permis à nos civilisations de prospérer pendant 11 700 années est désormais rompu. »
Me revient en mémoire le visage rayonnant de la journaliste alors qu’elle rapporte la fin du monde, et là je ne peux pas m’empêcher de penser qu’il y a un truc qui cloche.
De deux choses l’une, soit il y a un vrai problème au niveau de la stratégie de communication du WWF, soit l’Indice Planète Vivante représente une information tellement biaisée ou tellement abstraite qu’elle n’est plus audible. Comment puis-je assimiler que « la moitié des animaux ont disparu en une génération »? (tout à fait entre nous, cette information se base sur un indice calculé d’après le suivi de 3 706 espèces et la planète abrite près de 60 000 espèces de vertébrés. Oui, il faut s’inquiéter pour les espèces menacées, mais le merle et le raton laveur sont aussi des animaux m’enfin!).
Il est parfois nécessaire de manier des infos choc pour toucher les foules, mais dans ce cas précis, l’effet ne serait-il pas nul ? Je préférais encore l’époque où la télévision diffusait le massacre des baleines. Au moins on pleurait…
Communiquer pour protéger
Dans une thèse récente, un étudiant de l’Université de Cornell a mené une petite expérience sur la perception du risque de disparition des espèces auprès de 300 personnes. Le jeune chercheur a testé l’impact « public » des critères utilisés par l’UICN pour définir le niveau de menace qui pèse sur une espèce, notamment le déclin de la population sur les dernières années, le nombre d’individus encore en vie ou encore la probabilité que l’espèce disparaisse dans un laps de temps donné. Sa conclusion en dit long : « certains critères semblent beaucoup plus risqués pour les gens que d’autres. Alors qu’ils sont équivalents pour un expert, ils ne le sont pas pour le profane (…). Les organisations [de conservation] devraient mieux y penser. »
D’après cette enquête, le critère le plus frappant serait le nombre de survivants d’une espèce et ce, peut importe qu’il s’agisse de 50, 250 ou 1 000 individus. A l’opposé, la probabilité d’extinction d’ici 10, 20 ou 100 ans laisse tout le monde de marbre. Par ailleurs, il semblerait que « trop d’information tue l’information ». Quand les experts affichent le taux de déclin des populations, le risque paraît moindre aux yeux du quidam.
[E.Le]
Illustration: Désertification, Collage Micrologie, 2016, inspiré par « Gentlemen prefer blondes », Howard Hawks, 1953
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