Le cou(p) de la girafe

Evolution et adaptation : le cou de la girafe lui permet-il de garder la tête froide ?

La nature regorge de formes étranges, y’a qu’à se regarder… Mais prenons plutôt le cas d’un autre animal dégingandé : la girafe. Un éditorial de Nature paru la semaine dernière nous apprend que les évolutionnistes sont encore pendus à son cou. Une nouvelle hypothèse est arrivée sur le tapis. Après les oreilles-ventilateur de l’éléphant, le cou exagérément long de la girafe pourrait être, lui aussi, une adaptation à la chaleur écrasante de la savane.

Monumental

De ses quatre mètres de hauteur, la girafe est un monument de l’histoire des sciences. Il y a des animaux comme ça : le pinson des Galápagos, la mouche drosophile…
Au début du XIXème siècle, avec cet étrange ruminant tacheté, Lamarck a été parmi les premiers à tordre le cou à la pensée dominante d’une nature immuable. A l’époque, l’éminent savant soutient qu’aux prises avec l’impérieuse nécessité d’atteindre les feuilles en haut des arbres la girafe aurait étiré son cou. Elle aurait ensuite transmis ce caractère à sa descendance. Démonté par Darwin avec la sélection naturelle (les girafes à long cou s’en sortent mieux dans la vie et font plein de petits, les autres finissent par disparaître), le transformisme de Lamarck a eu le mérite de jeter un pavé dans la mare obscure de son temps : les espèces évoluent et l’environnement dans lequel elles vivent n’y serait pas pour rien…

Depuis, la girafe a bon dos et deux mètres de cou ont vu défiler de nombreuses explications. Accéder à la nourriture en est une, nous la connaissons tous. Boire au marigot perchée sur des échasses en fut une autre ou, encore, améliorer la vigilance avec un périscope et, enfin, épater les filles. Aucune de ces propositions n’est totalement admise par la communauté scientifique et ça discute toujours. Mais bon sang ! Pourquoi ce cou !? Quel avantage sélectif procure-t-il ?
Nous sommes en 2017 et des chercheurs sud-africains ont réouvert le dossier : et si le cou de la girafe lui permettait de réguler sa température ?

Idée fraîche

Plein cagnard dans la savane, il faut tenir… Sous climats chauds, mieux vaut être une grande tige qu’une petite boule. D’après la règle de Allen, plus votre surface corporelle est importante, rapport à votre poids, plus vous encaissez la chaleur. Vous transpirez plus, vous évacuez mieux. Partant de cette idée, les scientifiques ont étudié soixante girafes et, comme on déroule une feuille de papier, mêlant arithmétique et mesures anatomiques, ils en ont calculé la surface. Ils obtiennent en moyenne une carpette en peau de girafe de 7,3 m2, allant jusqu’à 11,8 m2 chez un mâle adulte de 1 358 kg.

Dommage… ça ne valait pas le coup de faire des calculs alambiqués ! Il ressort que la surface de la girafe n’est pas significativement plus importante que celle d’autres mammifères du même poids. On met l’hypothèse de thermorégulation à la poubelle ?

Sous le soleil exactement

Que nenni ! Les auteurs de l’étude ne lâchent pas l’affaire si facilement !
Si ce n’est par sa surface, alors serait-ce sa forme ? Ce corps trop allongé pour être honnête peut très bien réguler la température par un autre moyen. Et là, intervient le comportement.

Vous n’avez rien remarqué ? Chez les girafes, dès que la température ambiante commence à s’élever, toute la petite bande se tourne face au soleil.
Les animaux offrent ainsi une moindre surface exposée aux radiations mais, en plus, leurs longs cous leur fait de l’ombre !

C’est pas génial ça ?


Source :

Body surface area and thermoregulation in giraffes, Journal of Arid Environments, oct. 2017

Giraffes could have evolved long necks to keep cool, Nature Editorial, sept. 2017

 


 Illustration :

Le coup de la girafe, bricolage micrologie, inspiré de Sophie la girafe (qui se laisse mâchouiller depuis des générations, on lui doit bien ça !), Vulli, 1961


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2 Comments

  1. Fred
    19 septembre 2017
    Reply

    Ça tord le cou aux idées reçues…

    • [E.Le]
      20 septembre 2017
      Reply

      Bien vu !
      Bon, cela dit, avec leur hypothèse de thermorégulation, les chercheurs en question y vont jusqu’au cou…et délirent peut-être un peu.
      Affaire à suivre donc… (on n’est pas à ça près, ça fait des siècles que la science s’inquiète du sujet)

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