Armes de destruction massive contre les carpes

En Australie, on aime pas trop les boat people, encore moins les espèces invasives… Maniaque du contrôle biologique, après l’affaire des lapins, l’Australie prépare sa guéguerre contre les carpes, à grand coup de virus !
Des scientifiques britanniques ont lancé l’alerte dans la revue Nature Ecology and Evolution.

Rappelez-vous, il y a des précédents. Un jour de l’an 1859, un fermier australien, un peu naïf, ramène des lapins européens. Pas loupé, les grandes oreilles se multiplient, fidèles à leurs principes. Le bon peuple d’Australie s’agace, commence à jouer les apprentis sorciers et se lance dans la lutte biologique. La croisade anti-lapin démarre au début du XXème siècle avec l’introduction du renard. C’est un cas d’école bien connu, le prédateur a préféré manger les marsupiaux… Puis, dans les années 1950, on introduit la myxomatose. Encore raté, les lapins deviennent résistants. Enfin, le virus de la fièvre hémorragique du lapin (VHD) est lâché, par accident soi-disant (« bavure scientifique », Libération, 1996), faisant un massacre.

Certainement moins futé qu’un renard, le VHD s’est pour l’instant cantonné aux lapins. Vingt ans plus tard, tout ce qu’on peut dire est que les kangourous ont eu un sacré coup de bol ! Il est quasiment impossible de prédire le comportement d’un agent pathogène lâché dans un nouvel environnement…

Carpageddon

On s’en fout ! Le gouvernement australien prévoit pour 2018 une nouvelle opération virale, nom de code « Carpageddon », objectif : exterminer les carpes.

La carpe, gros poisson placide et débonnaire, vénéré en Asie, est le nouveau Super Fléau en Australie. Introduite à peu près en même temps que les lapins, elle s’est tenue à carreau pendant plus d’un siècle. Dans les années 1970, la carpe a enfin trouvé où s’éclater en pénétrant le bassin du Murray-Darling, au sud-est de l’Australie. Depuis, elle y est l’espèce dominante et représenterait aujourd’hui plus de 80 % de la biomasse de poissons du bassin versant. Ok, la carpe s’est montrée particulièrement efficace dans sa conquête de territoire, m’enfin ! c’est pas une raison pour faire n’importe quoi !

L’arme biologique qui va être utilisée contre les carpes est aussi dégueulasse que la fièvre hémorragique. Beurk, le gouvernement australien veut lâcher un virus de l’herpès, le koi herpesvirus (KHV), qui provoque des nécroses des yeux et des ouïes et de nombreuses lésions internes. En 48 heures, le poisson nage sur le dos, sans avoir oublié de transmettre la maladie à tous ses petits copains, le KHV est très contagieux.

Une extermination programmée, lente agonie en prime.

Alerte !

Récemment, des scientifiques britanniques ont réagi et dénoncent les risques de cette opération. Les chercheurs de sa Majesté nous apprennent que le plan australien prévoit de balancer dans la nature une effroyable quantité de particules virales (2 × 1023), offrant au virus toute latitude pour évoluer et muter dans tous les sens. La situation est donc incomparable avec les tests de sécurité menés en laboratoire à petite échelle. Par ailleurs, les chercheurs mettent en garde les autorités australiennes : si vous dégommez des millions de tonnes de carpes, qu’allez-vous faire des cadavres qui pourrissent sur place ? C’est glauque.

Nous voilà donc au comble de l’horreur.

Quand le Ministre australien a révélé ce plan d’éradication, il y a presque un an maintenant, l’annonce était dans tous les médias. Haro sur la carpe ! Au secours David Vincent, saloperie d’envahisseurs !

La lutte contre les espèces non-natives est déjà un sujet douteux. Quand on entre en guerre à coup de virus, là ça dérape sévère.

 


Source : 

Biocontrol of common carp in Australia poses risks to biosecurity, Nature Ecology and Evolution, Février 2017
doi:10.1038/s41559-017-0087

Ressource complémentaire : 
David Theodoropoulos, 2003. Invasion Biology: Critique of a Pseudoscience

Un ouvrage vilipendé à sa sortie et aujourd’hui passé aux oubliettes, mais qui ne manque d’intérêt par les temps qui courent…
En écologie, comme ailleurs, existent des propositions qu’on ne discute pas, certainement par peur que le moindre débat ne provoque un « jeté de bébé avec l’eau du bain ». C’est le cas des espèces introduites. Pourtant, une saine discussion ne fait pas de mal. Dans « Invasion Biology: Critique of a Pseudoscience », l’auteur explore les raisons psychologiques, politiques et culturelles qui sous-tendent la haine pour certaines espèces. Relent de xénophobie, nationalisme… Une fois posés sur la table, les discours insidieux n’en sont plus et arrêtent de distiller. 


Illustration :

Apocalypse sur les carpes, collage Micrologie, 2017, inspiré de Apocalypse Now, Coppola, 1979


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2 Comments

  1. 23 mars 2017
    Reply

    La Race la plus dangereuse et diabolique est la Race humaine.
    Quelle folie,le salaud qui a pondu cela. Ces virus ne vont pas s’arrêter que sur les carpes…et les habitants laissent faire ces fous qui veulent jouirent de la fin horrible de ces carpes alors que l’on pourrait les mettre dans d’autres bassins. Il faut savoir que les poissons cessent de se reproduire en fonction du lieu où ils vivent, donc cela va se réguler tout seul. Ne laissons pas faire un tel massacre

  2. […] et périt en 24 heures (ne soyez pas choqués, c’est encore une idée des australiens : voir armes de destruction massives contre les carpes). COTSbot contient assez de poison pour dégommer 200 acanthasters par mission de quatre à huit […]

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