Rhino de synthèse !

La corne de rhinocéros en ADN de synthèse !

Allons bon, l’humanité ne peut pas se passer des obscurs pouvoirs de la corne de rhinocéros ! Pour répondre aux insatiables besoins du marché, des petits génies de la biologie moléculaire ont créé la vraie-fausse corne de rhinocéros à partir d’ADN de synthèse. Pourquoi lutter contre un ignoble trafic quand des solutions beaucoup plus « fun » existent ? Il fallait juste y penser.

Biotech et imprimante 3D

Dûment séquencées par des scientifiques en quête de connaissances fondamentales, des portions de génome de rhinocéros sont désormais disponibles dans les bases de données en ligne (voir aussi biopiraterie-on-line).
Du coup, la recette est relativement simple :
Recopiez la séquence du gène qui vous intéresse, en l’occurrence celui qui code pour la kératine, composant principal de la corne.
Insérez ensuite ce « script » dans le génome d’une bactérie ou d’un champignon.
Laissez ce microorganisme se multiplier en masse et il produira de la kératine de rhino comme qui rigole.
Enfin, utilisez cette poudre bon marché dans votre imprimante 3d et fabriquez de parfaites cornes à la chaîne. Et hop !

Des Start-up américaines comme Pembient ont flairé le bon coup, et arrivent bientôt sur le marché l’ivoire d’éléphant, l’os de tigre ou encore la griffe de pangolin, autres produits phares d’une absurde pharmacopée.

Vraie-fausse identité

Personne ne sait si la corne biosynthétique a les mêmes pouvoirs magiques – plutôt difficiles à tester… Néanmoins elle a l’odeur du rhinocéros, la forme, la couleur, la texture. En gros, étant la stricte copie de l’originale, aucun client ne fera la différence. Voilà bien le problème ! On s’inquiète à la CITES (Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvage menacées d’extinction). Comment réguler le trafic ? Si le client ne fait pas la différence, les autorités et les douanes non plus. Un test ADN effectué lors des contrôles ne sert à rien. C’est l’embrouille…

Sauver les rhinocéros ?

Le sujet est arrivé sur le tapis lors de la dernière réunion de la CITES à Johannesburg en octobre dernier. Les Etats-Unis et plusieurs ONGs ont demandé aux pays membres de la Convention de plancher sur la question : les spécimens biosynthétisés représentent-ils une solution ou une menace pour la faune sauvage ? Outre le maintien des marchés, on peut imaginer toutes sortes d’effets pervers : accroissement de la clientèle par augmentation de l’offre, marché parallèle de grand luxe pour la corne sauvage « véritable », cargaison frauduleusement estampillée synthétique, etc., etc. Sans surprise, il y a quelques divergences d’opinions entre les pays. Par exemple, la Chine est favorable à l’ADN synthétique. Tu m’étonnes ! En Asie, la corne de rhino c’est la méga classe ! On en fait des cocktails top tendance dans les soirées branchées.

Pour ce qui est de la réglementation internationale, les enjeux liés à la biosynthèse seront examinés lors de la prochaine session de la CITES en 2019. Pendant que les juristes s’interrogent, des start-up se prennent pour la Tyller Corporation dans Blade Runner…

… et 1 342 grosses bêbêtes de la savane ont été abattues l’an dernier.


Source : 

Conservation 3.0: Will Bioengineered Horn Save Rhinos? By Judith Needham Environment News Service, 2016


Illustration :

Rhino de synthèse, bricolage Micrologie, 2016, inspiré par « Rhinocéros », Albrecht Dürer, 1515


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4 Comments

  1. desautel paul
    21 janvier 2017
    Reply

    bonjour
    peut ton connaitre le code génétique du rhinocéros ?

    cordialement

    • [E.Le]
      22 janvier 2017
      Reply

      Bonjour Paul, il semblerait que pour l’instant seulement certaines « portions » soient disponibles dans les bases de données génétiques. Les séquençages complets des génomes du rhinocéros noir et du rhinocéros blanc ont démarré en 2015 (avant que ces deux espèces ne disparaissent complètement).

  2. […] posée la question. Encore un truc de pharmacopée chinoise à 200 dollars le gramme ? Comme la corne de rhinocéros, l’oreille d’orang-outan en gelée soigne-t-elle le scorbut ? Eh ben non, pas du tout ! […]

  3. […] posée la question. Encore un truc de pharmacopée chinoise à 200 dollars le gramme ? Comme la corne de rhinocéros, l’oreille d’orang-outan en gelée soigne-t-elle le scorbut ? Eh ben non, pas du tout ! […]

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