Bouffez vos restes !

Des conserves de déchets bientôt au supermarché

Ah tiens, c’est bien le moment d’en parler ! Avec le grand gavage des fêtes et les poubelles qui débordent, j’espère que vous maîtrisez l’art d’accommoder les restes. Au pire, des entreprises s’en chargeront pour vous.
L’idée, que n’aurait pas eu ma grand-mère qui en connaissait un rayon en soupes, hachis, potées et autres joies de la récup’, est de commercialiser des produits alimentaires à base de déchets.
Toast, une bière anglaise, est fabriquée avec du vieux pain jeté. Une marque américaine, Rescued Relish, propose une sorte de condiment fourre-tout en conserve, un chow-chow philadelphien, à base de… ben, on sait pas trop, disons tout ce qui traîne.

Fashion poubelle

Récupérer les déchets alimentaires, c’est bien joli, mais les vendre… voilà autre chose. D’où l’intervention de bons scientifiques, fins psychologues de l’acte d’achat, éminents spécialistes de la consommation et renifleurs de tendances. Lors d’une étude publiée dans l’incontournable revue The Journal of Consumer Behavior, des chercheurs de l’Université de Drexel, aux Etats-Unis, se sont posés la question : est-ce que le consommateur est prêt à avaler, et surtout à payer pour, une barre de céréales recyclées ou une sauce aux déchets de légumes ?

D’après les résultats, les produits à base de déchets sont reconnus comme une catégorie à part, clairement dissociée du bio ou du conventionnel. Il y a donc bien une identité propre que les fabricants peuvent valoriser pour leur publicité. Ensuite, à la question « ces produits recyclés apportent-ils des bénéfices à vous-même ou aux autres ? », les participants à l’enquête reconnaissent une œuvre pour le bien commun plutôt qu’un plaisir égoïste de consommation. Et, là, les ami(e)s, je vous le dis, c’est bingo ! Un bon marketing qui met en relief les bénéfices pour la société et l’environnement, et pourquoi pas, tant qu’on y est, apporte une pseudo solution à la crise alimentaire globale et, hop, le tour est joué !

Pigeon farci

Pas de malentendu entre nous. Je ne vois aucun souci à manger recyclé, mais considérant qu’ici la matière première ne vaut rien – c’est poubelle – j’ai juste halluciné. Voilà la conclusion des chercheurs : « avec une bonne communication sur ces produits, il est possible d’en augmenter le prix, comme cela se pratique pour l’alimentaire bio. » Et, ben voilà… Vous avez tous eu connaissance cet été de l’enquête d’UFC Que Choisir qui montre comment la grande distribution augmente ses marges sur le bio, même chose ici avec de lucratifs détritus. Nous sommes des pigeons et notre bonne conscience un formidable ressort marketing.
Avec le slogan « sauvons la planète », on nous fait vraiment avaler n’importe quoi (au sens propre comme au figuré)…


Source :

From food waste to value-added surplus products (VASP): Consumer acceptance of a novel food product category, The Journal of Consumer Behavior, nov. 2017


Micro+ :

Gaspi chéri… En France, le gâchis alimentaire s’élève à 10 millions de tonnes par an, et ne mettons pas tout sur le dos de la grande distribution ou des restaurants, chacun d’entre nous jette en moyenne 20 kg de bouffe par an, soit un repas par semaine…


 Illustration :

Nature morte aux déchets, bricolage micrologie, 2017, inspiré de Nature Morte au Fromages, Amandes et Bretzels, Clara Peeters, 1615.

micrographie

Clara Peeters, 1615

Un tableau de 1615, vous avez bien lu, et Clara Peeters est une femme, vous avez bien lu aussi. Au début du 17ème siècle, les artistes femmes se comptent sur les doigts de la main… D’ailleurs, je vous mets au défi de m’en citer une. Rappelons qu’en France par exemple, l’Académie des beaux-arts n’a été ouverte à la gente féminine qu’en 1903 !

Mais revenons à Clara Peeters, qui a fait l’objet l’année dernière d’une superbe rétrospective au Museo del Prado. Devant les toiles, aucun doute, elle s’affirme comme un maître de la nature morte, mais il y a autre chose qui signe sa virtuosité. A une époque où les artistes commencent à peine à revendiquer leur individualité (on pense par exemple aux Ménines de Vélasquez où le peintre se montre enfin), la très subtile Clara Peeters insère son portrait dans ses œuvres. Efflorescence fantomatique, on aperçoit quelque part, caché dans le tableau, son reflet sur une coupe ou un vase. Apparences trompeuses, double effet miroir, le réel n’est qu’une représentation de la représentation du réel, etc., etc.

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3 Comments

  1. Sylvie
    4 janvier 2018
    Reply

    Bien vu

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